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L’hôpital de Geitaoui au chevet des enfants brûlés par des bombardements israéliens

Le centre de soins pour grands brûlés de l’hôpital Geitaoui, à Beyrouth, a accueilli des dizaines de patients depuis un mois, notamment des bébés lacérés par les bombardements.

Ivana, un an et 9 mois, brûlée au troisième degré par des bombardements israéliens au Liban (Clotilde Bigot) (Others)

Elle s’appelle Ivana, elle a un an et neuf mois, et, le 23 septembre dernier, alors qu’elle jouait avec sa soeur, et une amie de cette dernière, dans la véranda de leur maison à Deir Qanoun al Naher, dans le sud du Liban, un missile est tombé dans leur jardin.

“C’était l’anniversaire de l’amie de ma fille, avec ses parents, nous avions décidé de faire un petit déjeuner, quelque chose de simple pour marquer son anniversaire alors qu’il y a la guerre”, explique Fatima, 36 ans, mère de Ivana et Rahaf. “D’un coup, on a entendu une grosse explosion, le missile est tombé sur notre balcon… Pour les sauver, j’ai fait l’impensable, je les ai poussées par la fenêtre”. Les trois filles sont blessées. Rahaf, sept ans, a passé trois semaines à l’hôpital pour des brûlures de surface, maintenant, elle vit chez ses grands-parents paternels. Ivana, elle, a eu moins de chance. “La moitié de son visage, une partie de son cuir chevelu, ainsi que ses bras et ses jambes ont été brûlés au troisième degré”, explique le docteur Sleiman, chirurgien plastique à l’hôpital Geitaoui, dans le nord de Beyrouth, où Ivana est traitée.

Ivana a d’abord passé trois semaines dans un hôpital à proximité de son village, “mais cela a empiré sa situation”, raconte le Dr Sleiman. En effet, la jeune fille est arrivée avec des plaies infectées, qui ont mis sa vie en danger. “Aujourd’hui, elle est stable, et d’ici à quelques jours, nous commencerons la greffe”, rassure le Dr Sleiman.

Ivana fait partie des cinq brûlés graves qui se trouvent au troisième sous-sol de cet établissement. À côté de sa chambre, un jeune homme de 11 ans reçoit lui aussi un traitement pour des brûlures aux visages et aux bras. Lui aussi devrait s’en sortir. “Nous recevons des patients brûlés entre 30% et 95%, malheureusement, ceux qui arrivent et sont presque entièrement brûlés ne s’en sortent pas, une femme est décédée il y a quelques jours, elle était complètement brûlée”, se souvient le Dr Sleiman.

L’hôpital ne se situe pas en première ligne des combats, ainsi, les patients arrivent après avoir été traités dans d’autres hôpitaux qui ne sont pas équipés pour ces blessures. “On voit notamment des patients venir avec des infections multiples, une forte fièvre, continue et non soulagée, donc nous les traitons avec des antibiotiques, et nous devons tout reprendre à zéro”, explique Daniella Said, une infirmière qui travaille depuis deux ans à Geitaoui.

“Nous avons avant tout un rôle de surveillance. Nous suivons par exemple de près Ivana, avec prise de température toutes les deux heures, et contrôle des urines et de la diarrhée pour éviter des complications comme le choc septique, causé par une infection généralisée”, raconte Daniella. Certains patients, du fait du retard de prise en charge, ont vu leurs membres nécrosés, avec une obligation d’amputation.

Alors que le Dr Sleiman marche dans le couloir, un homme arrive sur un brancard, accompagné d’un secouriste de la Défense civile libanaise. Ses deux jambes sont brûlées, et l’une a un fixateur externe. “Regardez-le, il n’y a aucune protection sur ses plaies alors qu’il est brûlé au troisième degré, et il a un fixateur externe, cela va forcément s’infecter”. Le patient est amené dans le service, et sera soigné ici.

Un hôpital frappé par la crise

“Ce service a ouvert en 1992, à la fin de la guerre civile libanaise, il comporte neuf chambres, mais, de temps en temps, on doit augmenter nos capacités. Alors, on a débloqué un espace au rez-de-chaussée, avec 16 lits supplémentaires”. Les patients critiques commencent au niveau -3, puis remontent lorsque leur état le permet. “En moyenne, les patients restent ici un à deux mois”, indique le Dr Sleiman.

“Les blessures sévères nécessitent des soins immédiats spécifiques, une hydratation massive, de l’antibiothérapie, un décapage, de la fasciotomie”, précise Soeur Hadia, co-directrice de l’hôpital. Ces soins coûtent cher, et l'État libanais, en faillite, n’aide pratiquement pas l’hôpital. “Les charges directes liées aux patients brûlés nous reviennent à 900 $ par jour, alors que l'État ne nous rembourse que 450 $, de plus, nous sommes remboursés très en retard… J’espère ne pas en arriver au point où je devrais refuser des patients”, se lamente la sœur. Car l’hôpital Geitaoui est un hôpital privé à but non lucratif. “Dans tous les pays du monde, l’hôpital public prend en charge les grands brûlés, mais au Liban, on nous demande de nous substituer à l'État , ce qui n’est pas possible.”

L’hôpital et ses 650 salariés fait aussi face à un déficit de personnel. “Avec la crise, beaucoup de médecins ont quitté le Liban. Cet hôpital est universitaire, en partenariat avec l’Université Libanaise de Hadath, situé dans la banlieue sud, alors beaucoup d’étudiants, qui internaient chez nous, ont dû fuir leurs maisons, et ne peuvent plus venir jusqu’ici pour travailler”. Soeur Hadia implore les organisations internationales de fournir une aide financière à l’hôpital. “Nous n’avons encore rien reçu, car le monde pense qu’il ne s’agit que d’une guerre entre Israël et le Hezbollah, pourtant, non…”.

 
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